
Jean-Marie SERMIER
Député de la 3e circonscription du Jura
Vice-président de la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire
En cinq ans de mandat, Emmanuel Macron aura considérablement fragilisé notre cohésion nationale.
Opérer une différence de traitement entre les ruraux et les urbains semble avoir été la base de sa politique en matière de transport. Personne n’a oublié sa formule : « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage ».
Dès le début le ton était donné, et rien ne changera malgré les différentes crises qui surviendront.
Conscient d’être face à des français qui ne se parlaient plus, Emmanuel Macron a préféré la facilité des calculs électoraux aux efforts visant à défendre l’unité de notre Nation. Au mépris de classe dans les gares est venue s’ajouter la déconnexion avec le pouvoir d’achat des ménages pour qui le budget transport était devenu un gouffre. Symbole de ce désintérêt envers les préoccupations de ces français : l’installation de la taxe carbone de novembre 2018 alors que les prix des carburants étaient déjà élevés. La sortie de crise avec le grand débat national et la prime défiscalisée, lui permettront de panser les plaies un moment.
Peu importe, l’image compte plus que le reste. La communication de l’instant, la volonté d’apparaître comme le Président jeune et impertinent qui fait bouger les lignes face aux élus de l’ancien monde, prime sur sa réelle volonté de servir l’État. En pratique, la cadence folle imposée au Parlement démontre que la forme est privilégiée au fond lorsqu’un texte est examiné. Les études d’impact sont purement ignorées. Certaines dispositions votées pendant la loi d’Orientation des mobilités en 2019 mais pas encore appliquées, sont modifiées, parfois dès l’année suivante par une autre loi toujours qualifiée de « plus ambitieuse pour le Climat ». Economie circulaire ou Climat Résilience, les incantations sont vaines lorsque les faisabilités techniques prennent du temps ou n’existent tout simplement pas encore. Pourtant les conséquences sur l’emploi, elles, sont bien concrètes.
La question se posera inévitablement avec le calendrier imposé des zones à faible émission. Les pollutions atmosphérique et sonore sont évidemment à prendre à bras le corps. Encore faut-il expliquer aux français détenteurs d’un véhicule Crit’air 2 qu’ils ne pourront plus circuler dans certaines agglomérations au 1er janvier 2024 et ce, même s’ils ne disposent pas des moyens suffisants pour changer de véhicule. L’installation des bornes de recharge rapide doit en cela être une priorité nationale ne serait-ce que pour l’impact psychologique qu’elles procurent.
La transition électrique d’un secteur des transports qui représente actuellement 31% de nos émissions de gaz à effet de serre et dont la quasi-totalité de ses émissions proviennent de la combustion des carburants nécessite un approvisionnement électrique sécurisé. Veillons à ce que notre source d’électricité demeure pilotable et bas carbone grâce à notre mix électrique basé sur le nucléaire et l’hydroélectricité. La hausse annoncée de notre consommation ne saurait justifier la baisse de la part du nucléaire au profit des énergies renouvelables trop incertaines.
Le manque d’ambition industrielle sur la filière électrique automobile doit aussi être souligné dans la loi d’Orientation des mobilités. Nous pourrions en dire de même pour nos transporteurs routiers de voyageurs et de marchandises qui se trouvent complétement délaissés après la crise sanitaire. Le refus catégorique du fléchage de la TICPE lors de nos débats mettait déjà en exergue cette absence de volonté sur les investissements bas carbone concrets. L’organisation de la chaine logistique en est témoin. Sans une offre large de véhicules compétitifs, difficile d’imaginer une transition rapide et sereine pour nos transporteurs qui doivent faire face à une majorité parlementaire qui pense tout régler par un déremboursement de la TICPE ou par une énième taxe.
Derrière cette loi essentiellement technique, certaines dispositions utiles ont malgré tout été votées. Le traitement des données visant à informer les usagers sur l’ensemble des modes de déplacement existants sur un territoire concerné était par exemple attendu. Il n’empêche, nos compatriotes ont vu le rétablissement en trompe l’œil des 90km/h par la majorité présidentielle comme un énième manque de considération dans leur quotidien.
Qu’à cela ne tienne, plutôt que de s’attaquer rapidement à la transition du parc des transporteurs routiers de marchandises qui représentent 89% du marché, le Gouvernement a souhaité laver plus vert que vert… mais en matière ferroviaire ! Il est vrai que la reprise de la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards lui permet d’opposer un argument fort en matière de transition environnementale. Quant aux marchandises, l’objectif ambitieux de doubler la part du fret d’ici 2030 sera bien évidement scruté. Attention néanmoins aux effets de manche. Je pense à l’inauguration en grande pompe du « train des primeurs » fin Octobre par le Premier Ministre. Celui-ci se gargarisait d’éviter 26 000 camions sur nos routes sans préciser qu’il était lui-même responsable de cette suppression en 2019…
Alors, n’en déplaise aux marginaux révolutionnaires qui s’évertuent à attaquer l’action climatique de notre pays devant la justice pour se donner bonne conscience. La France est à la pointe en matière d’action climatique et le quinquennat d’Emmanuel Macron n’y est pour rien. C’est le fruit de choix industriels et énergétiques vieux de plus d’un demi-siècle. L’urgente décarbonation des transports doit être réalisée avec le concours des français et non contre eux comme c’est actuellement le cas. Avec la campagne présidentielle à venir, nul doute que ces débats auront une place de choix tant ils concernent la vie quotidienne de nos concitoyens