
Jean SOUCHAL
Président de Poma
Téléphérique urbain : « Un transport de masse, avec des taux de disponibilité proches de 100 % »
Quelques semaines avant la mise en service de deux équipements majeurs, à Saint-Denis de la réunion et Toulouse, Jean Souchal, président du constructeur français Poma, décrit pour Mobily-Cités les ressorts du renouveau du câble urbain.
Propos recueillis par Sandrine Garnier
Mobily-Cités : Deux nouveaux téléphériques urbains sont sur le point d’être mis en service à Saint-Denis de la Réunion et Toulouse. D’autres projets sont en cours. Comment expliquer ce renouveau ?
Jean Souchal : Au début de 20e siècle, une centaine d’appareils étaient en fonctionnement en France. Il reste aujourd’hui des funiculaires à Montmartre ou à Lyon. La renaissance du câble urbain a pris son essor au début des années 2000 en Amérique du Sud, avec notamment Medellin. A partir de 2004, la mise en service du téléphérique urbain a permis de désengorger les transports. La souplesse relative de l’emplacement des pylônes assure à l’infrastructure un minimum d’emprise au sol. En interconnexion avec le métro, la 6e ligne du réseau de téléphérique inaugurée en juin dernier permet de transporter plus de 4000 personnes par heure et par sens. Il s’agit bien d’un transport de masse, comparable au BHNS. A Medellin et ailleurs dans le monde, les équipements mis en service ces vingt dernières années, que ce soit par Poma ou ses concurrents, ont démontré l’efficacité et la pertinence du téléphérique urbain, avec des taux de disponibilités de près de 100%.
Le transport par câble constitue la solution au franchissement des pentes, des fleuves, des infrastructures routières ou ferroviaires… dans tous ces cas, il permet d’offrir un transport là où il n’aurait même pas été possible d’envisager autre chose, ou alors à des niveaux de coûts bien supérieurs en raison de la nécessité de construire des ponts ou des tunnels. Aujourd’hui, le téléphérique urbain fait partie de la palette des solutions de mobilité et ses spécificités techniques sont intégrées par les grands acteurs de l’ingénierie.
« Aujourd’hui, le téléphérique urbain fait partie de la palette des solutions de mobilité et ses spécificités techniques sont intégrées par les grands acteurs de l’ingénierie »
Quelle est la position de Poma sur le marché du câble urbain ? Quelles sont vos anticipations sur ce segment ?
Nous sommes pionniers de cette solution et leaders au niveau mondial sur les marchés de conception, réalisation, exploitation et maintenance. Poma reste une ETI française, fière de son identité. Nous avons enregistré un chiffre d’affaires de 375 millions d’euros en 2020, dont 2/3 réalisés à l’export, avec 1300 salariés dont 880 en France.
En France, en dehors de Toulouse et Saint-Denis de la Réunion, nous avons le projet de Grenoble, qui se concrétise avec la phase d’enquête actuellement en cours. Ajaccio a décidé de s’équiper également. Poma est également présent en Suisse, en Belgique, à New-York (Roosevelt Island), Taïwan, Nijni Novgorod… et d’autres installations sont à l’étude à l’international, à Madagascar par exemple. Nous exploitons aussi nos téléphériques en Algérie, qui est le premier pays au monde pour le transport par câble en milieu urbain, avec 11 appareils, dont 6 à Alger. Beaucoup de villes en Afrique envisagent également de s’équiper.
Ce regain d’intérêt pour le transport par câble touche aussi la montagne, avec les ascenseurs valléens…
Les ascenseurs valléens permettent de relier les fonds de vallée aux stations d’altitude. Assez nombreux en Suisse, ils commencent à se développer en France. Poma a œuvré sur celui qui relie Bourg-Saint-Maurice aux Arcs, ou encore celui de Brides-les Bains vers Méribel installé pour les JO d’Albertville en 1992. Il en existe un autre aux Deux-Alpes. Là aussi, on assiste à un regain d’intérêt pour ces solutions dans la perspective de la réduction des émissions de GES, comme l’atteste la mise en service de l’Eau d’Olle Express entre Allemont et Oz-en-Oisans sur le domaine de l’Alpe d’Huez. Aux côtés de la Compagnie des Alpes, du Crédit Agricole de Savoie et d’ATMB, Poma est engagé également dans le projet Funiflaine, qui doit relier la station de ski à la gare SNCF de Magland. Ces installations ne sont pas uniquement dédiées aux touristes : les émissions de GES liées aux trajets des salariés sont équivalentes à celles générées par les vacanciers.
« Poma a enregistré un chiffre d’affaires de 375 millions d’euros en 2020, dont 2/3 réalisés à l’export »
La mise en place et le suivi de ces nouveaux équipements nécessitent-ils des formations spécifiques ?
Le développement des installations en dehors des zones de montagne, que ce soit pour des sites touristiques ou du transport urbain, nécessite un accompagnement des équipes. Poma a constitué sa propre école, UPilot : nous avons développé des simulateurs et des procédures pour la formation à l’exploitation et à la maintenance, avec des modules spécifiques pour les téléphériques urbains. Nous avons aussi travaillé avec le rectorat pour lancer à Grenoble une formation initiale dans le cadre de l’Education nationale, puisqu’il n’en existe pas. Nous intervenons aussi au sein des écoles d’ingénieur dans le cadre de projets de fin d’études ou de conférences. Et nous coopérons avec Domaine skiable de France, qui a créé une section urbaine des transports à câble au sein de son programme de formation