
Karima DELLI
Eurodéputée et présidente de la commission Transport et tourisme du Parlement européen
" Transformer l’essai de l’année européenne du train et réussir la transition "
Alors que l’année européenne du train s’est achevée il y a quelques semaines,
le chemin reste immense pour répondre aux défis de l’urgence climatique et faire du transport
ferroviaire la clef de voute de la mobilité européenne. Ne ratons pas le coche.
2021 fut sans nul doute une année particulière pour le transport ferroviaire et la transition écologique. Pendant plusieurs mois, le Connecting Europe Express, symbole le plus visible de l’année européenne du train, a sillonné l’Europe et traversé plus de trente frontières. Pendant que la locomotive empruntait les chemins de fer aux quatre coins du Vieux continent, la Commission européenne préparait et présentait son paquet ‘climat’, dit ‘Fit for 55’, ainsi qu’une série de textes sur la mobilité durable.
Les signaux ont été bons, bien qu’insuffisants à nos yeux. Et c’est pour cette raison qu’il est de notre responsabilité collective, à toutes et à tous, de prendre la mesure de l’urgence climatique qui menace notre planète et l’humanité et éviter la catastrophe annoncée et à venir.
Nous n’avons pas le choix. Nous devons agir, rapidement et massivement. Et le secteur des transports doit assurément être mis à contribution.
Il est en effet responsable de 25% des émissions de CO2 dans l’Union européenne. Il est également le seul secteur à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990, à hauteur de 33%. Si nous voulons atteindre l’objectif ambitieux mais plus que nécessaire de neutralité climatique à l’horizon 2050, nous devons impérativement prendre les mesures nécessaires dans ce secteur.
Le train comme réelle perspective crédible d’avenir
Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous ?
Le transport ferroviaire est très certainement l’option la plus appropriée pour y parvenir, sans pour autant passer par l’immobilité absolue. Le train longue distance est 15 fois moins émetteur que l’est l’avion. Le fret ferroviaire est neuf fois moins émetteur que l’est le fret routier. Toutes les études, tous les constats sont sans appel.
Dès lors, qu’attendons-nous pour traduire les intentions de cette année européenne du train en de réelles actions politiques ? Si les solutions sont connues, les moyens le sont presque tout autant.
Les investissements pour le transport ferroviaire doivent être conséquents. Sur ce point, l’Union européenne, les États membres et les autorités infranationales doivent se mobiliser sans attendre.
À l’échelle de l’Union européenne, la Commission européenne doit se positionner pour des assouplissements clairs des règles relatives aux aides d’État dans le transport ferroviaire. Les États devront saisir cette occasion pour soutenir les acteurs et actrices du rail et les autorités régionales devront aussi prendre leurs responsabilités pour assurer un maillage territorial complet.
Une approche globale pour assurer la transition
Tous les textes qui se sont invités à la table des négociations des décideurs et décideuses politiques européen.ne.s, notamment dans le paquet ‘Fit for 55’, devront par ailleurs se montrer ambitieux au plan climatique.
OUI à une taxe sur le kérosène qui financera la transition écologique par le biais du transport ferroviaire.
OUI à une sortie des véhicules à moteur thermique au plus vite, dès 2030, pour que plus aucun de ces véhicules ne circule sur nos routes à l’horizon 2050.
OUI à des réseaux ferroviaires efficaces dans le cadre du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).
OUI à une refonte du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) exonérant les investissements verts de la règle des 3% de produit intérieur brut (PIB) de déficit nominal, permettant de financer massivement des infrastructures de transport écologiques et efficaces.
Voici quelques exemples de l’ensemble des problématiques qui doivent nous orienter vers un transport propre et socialement acceptable et accepté par nos populations. Mais ces exemples sont légion. Il est aujourd’hui absolument impératif que les législations et actions politiques soient dictées par deux objectifs politiques prioritaires et incontournables : la transition écologique et la justice sociale.
Réinventons tou(te)s ensemble la mobilité
C’est dans cette optique que je continuerai mon combat, au sein de la commission Transports et tourisme du Parlement européen que je préside depuis cinq ans, pour réinventer notre mobilité, qu’elle soit du quotidien ou de villégiature. Tout doit être repensé, les modèles d’hier et d’aujourd’hui ne peuvent plus être ceux de demain si nous ne voulons pas courir à notre propre perte.
La mobilité urbaine doit prendre un virage décisif, en bannissant les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre et les plus polluants. La mobilité rurale doit être repensée autour du maillage ferroviaire. La mobilité de villégiature doit se concentrer sur du tourisme local et régional, respectueux de l’environnement. La mobilité du quotidien doit être inclusive et accessible.
Ce changement de paradigme est l’affaire de toutes et tous. Les mobilisations citoyennes montrent que les populations sont prêtes. Nous, décideurs et décideuses politiques, devons prendre nos responsabilités et répondre à leurs attentes sans gamberger davantage.