
Philippe PERRIN
Vice-Président de Toulouse métropole en charge du vélo et des nouvelles mobilités
Toulouse mise sur son métro XXL en attendant un RER urbain
Mobily-Cités : La mobilité est impactée par le fort développement démographique de la Métropole...
Philippe Perrin : En effet, l’agglomération toulousaine connaît une augmentation de sa population de l’ordre de 15 000 personnes par an. Les projections à l’horizon 2050 tablent sur un chiffre effrayant de 450 000 habitants supplémentaires en seulement trente ans ! Nous sommes face à un urbanisme galopant qui induit des coûts d’aménagements de voirie importants à l’exemple du projet de nouvel embranchement sur la rocade est destiné à desservir la ZAC de Malepère actuellement en construction [113 hectares]. A cela s’ajoute un fort étalement urbain et des problèmes récurrents de congestion automobile. Les parking-relais existants situés à proximité des rocades sont déjà saturés. Le Premier ministre Jean Castex a d’ailleurs chargé le préfet de prévoir les aménagements nécessaires pour faire face à cette croissance démographique sans égal.
Quelles solutions pourraient être mises en place pour améliorer les déplacements au sein de la Métropole ?
Les conclusions de la mission "Toulouse Territoire d’avenir", présidée par Marion Guillou avec le parrainage du prix Nobel d’économie Jean Tirole, recommandent un développement des villes périphériques comme Montauban, Castres, Muret et Auch : en clair, Toulouse ne doit pas devenir Paris, mais elle doit être une capitale régionale avec un report d’activités et d’habitants sur ces territoires. Mais ce report sur les villes périphériques ne se décrète pas, il suppose, à mon sens, un freinage de l’urbanisme sur la ville de Toulouse. Ce rapport préconise également la mise en place d’un RER urbain sur la Métropole. En particulier, le nord de la ville est aujourd’hui enclavé en raison d’un nombre limité de voies d’accès. La mise en service de la LGV Bordeaux-Toulouse prévue vers 2029-2030 et le double- ment de 19 kilomètres de ligne au nord de Toulouse vont ainsi permettre d’accueillir un RER urbain cadencé au quart d’heure.
Quels sont les obstacles actuels au déploiement de ce réseau de trains du quotidien ?
La balle est dans le camp de la Région. Coté Métropole, nous devons travailler sur le foncier nécessaire à des parking-relais de rabattement le long des radiales SNCF. C’est aussi le cas pour le réseau de bus rapides Linéo. Parfois il et trop tard, car ces zones sont déjà très urbanisées. Il nous faudra anticiper le développement de l’urbanisme en réservant du foncier plus en amont pour créer de nouveaux P+R. Ce sera l’opportunité de concevoir des parkings équipés d’ombrières solaires qui permettront de recharger les véhicules électriques. De plus, on peut imaginer que ces pôles d’échanges pourraient intégrer des commerces et services comme un pressing, le retrait de colis.
En quoi la future ligne de métro répondra aux besoins de déplacements sur la Métropole ?`
Cette troisième ligne sera complémentaire des radiales SNCF puisque qu’elle va desservir cinq gares – Colomiers, La Vache, Matabiau au centre-ville, Montaudran et Labège. Le métro passera également par les principales zones d’emplois situées au Nord [Airbus] et au Sud Est [Toulouse Aérospace, Enova...] en passant par le futur pôle d’activités Toulouse Euro Sud-Ouest à proximité de la gare SNCF. Les circonvolutions de la ligne sont également destinées à desservir des quartiers amenés à être urbanisés. Cette troisième ligne est donc extrêmement ambitieuse par son tracé et sa longueur - 27 kilomètres, c’est autant que les deux premières réunies. Nous tablons ainsi sur 200 000 voyageurs jour lors de sa mise en service en 2028.
Parallèlement, la Métropole renforce le maillage Linéo transversal et les capacités de son réseau avec des lignes structurantes...
La caractéristique de la nouvelle mandature est de mettre en place des lignes Linéo transversales après avoir investi dans des radiales. Nous avons en tout prévu de créer cinq nouvelles lignes de BHNS Linéo entre 2022 et 2026 pour un budget de 60 millions d’euros pour la reprise de voirie. Dans le même esprit, le téléphérique sud de trois kilomètres va permettre de franchir deux obstacles – la Garonne et le relief au sud de la ville. Téléo va relier l’Oncopole et le CHU à l’Université Paul Sabatier, et doit être mis en service fin 2021. En outre, le prolongement de 2,7 kilomètres de la ligne B prévue pour 2026 va permettre de la connecter avec la 3e ligne de métro au sud-est de la Métropole au niveau de l’Institut national polytechnique de Toulouse. Enfin, le doublement de la capacité de la ligne A du métro – portée à 400 000 passagers jour contre 220 000 précédemment - a été mis en service l’année dernière.
Quel rôle joue le vélo dans votre stratégie de mobilité ?
Le vélo permet le report modal dans un rayon de 8-10 kilomètres du centre-ville jusqu’à l’extérieur de la rocade ; au-delà, l’idée est d’utiliser le vélo comme un moyen de se rabattre vers le transport en commun. Nous travaillons d’ores et déjà sur les tracés de dessertes vélo pour venir irriguer les gares SNCF. Nous avons surtout acté la mise en place d’un réseau express vélo [REV] complet avec 13 lignes structurantes dont 2 circulaires, soit 370 kilomètres au total à faire avec le départe- ment et la Région. L’année prochaine, nous ferons le premier REV entre le centre-ville et le site d’Airbus, premier employeur de la Métropole, situé au Nord-Ouest de Toulouse... Mais en raison de l’impact budgétaire de la pandémie, nous pensons que 80% du REV seront réalisés sous cette mandature. Le budget voté à la Métropole s’élève à 80 mil- lions d’euros auxquels devraient se rajouter 20 millions de subventions, et des investissements de chaque commune sur leurs propres enveloppes locales (60 millions pour la seule commune de Toulouse).
Comment comptez-vous convertir les habitants au vélo ?
Nous mettons en place à la fin de l’année un service de location de VAE longue durée pour les déplacements pendulaires. L’idée est d’accompagner une remise en selle et de donner envie aux usagers d’acheter leur propre VAE. La Métropole a mis en place une aide à l’achat comprise entre 250 et 500 euros selon les revenus et le type de vélo acheté, cumulable avec les aides de l’Etat et de la région Occitanie. Ce service sera complémentaire du VLS, propre aux déplacements en centre-ville et utilisé dans un but de report modal. L’autorité organisatrice des mobilités Tisséo va reprendre la compétence des VLS qui étaient jusqu’ici du ressort de la ville de Toulouse. Déployer une offre sur l’ensemble du territoire n’aurait pas de sens, en revanche, il s’agit d’identifier les zones d’extension possibles : nous avons calculé qu’un vélo doit être employé au moins quatre fois par jour pour que ce service soit pertinent. Cela implique également que les communes soient prêtes à payer ce service qui reste extrêmement subventionné avec des abonnements annuels fixés à 25 euros par an. Jusqu’ici, ce service de VLS coûtait 5 millions d’euros par an à la ville de Toulouse.
Quelle est la politique de la Métropole en matière de covoiturage ?
La Métropole encourage le covoiturage lorsqu’il est utilisé comme un élément du report modal, car cela permet de désaturer les axes routiers. L’idée n’est pas prendre des usagers au trans- port en commun. Concrètement, il s’agit de favoriser l’accueil des covoitureurs dans les parkings-relais en leur permettant de réserver une place la veille pour le lendemain. Nous avons également subventionné une expérimentation autour du pôle aéronautique et nous étudions actuellement les modalités financières pour la poursuivre. L’expérience montre que lorsque le covoiturage est organisé par pôle économique, c’est assez simple à mettre en œuvre et cela fonctionne bien. Nous réfléchissons aussi à la possibilité de créer des voies réservées sur autoroute et de remplacer le TAD qui coûte très cher par du covoiturage.
Toulouse Métropole inaugure ce mois de septembre sa zone à faibles émissions (ZFE).
Quelles sont les difficultés attendues à terme ?
Cette zone à faibles émissions va permettre d’évaporer une partie du trafic automobile, mais elle est imparfaite à mes yeux. Si la rocade ouest en fait partie, la rocade est n’est pas inclue dans le périmètre, cela va donc engendrer un report de circulation sur un axe qui est déjà congestionné, ce qui inquiète à juste titre les élus des communes concernées comme L’Union, Balma ou Ramonville. Qui plus est, cette demi-ZFE ne sera pas aussi contraignante que celle mise en place à Paris, en effet, les diesels après 2011 seront toujours admis. Cette ZFE ne sera pas pour autant plus sociale : un possesseur d’un 4x4 récent pourra circuler au sein de cette ZFE, mais une personne qui n’utilise son vieux véhicule diesel qu’une fois par semaine pour faire ses courses, ne le pourra pas ! Par ailleurs, cela va inciter certains automobilistes à remplacer leur voiture un peu tôt avec l’achat de véhicules essence voire diesel plus récents parce que moins polluants, alors que les véhicules thermiques ont vocation à disparaître de la circulation. Surtout, cela va leur de- mander un effort financier colossal : les automobiles concernées seraient 40 000 d’après les calculs des services, mais 100 000 ou plus selon nos détracteurs. Cela risque, à mes yeux, d’engendrer un choc politique comparable à celui des Gilets Jaunes. C’est pour toutes ces raisons que j’ai refusé, dans ma délégation à la voirie Toulousaine, de signer l’arrêté de création de cette zone à faibles émissions qui a mon sens n’adresse pas la probléma- tique des gaz à effet de serre, source du dérèglement climatique.
Quelle serait la date idéale pour mettre en place cette ZFE ?
Un bon horizon aurait sûrement été une ZFE complètement mise en place en 2028, date de la mise en service de la troisième ligne de métro, au lieu de 2024 actuellement. Car cela nous aurait notam- ment laissé le temps de créer des parking-relais plus à l’extérieur de Toulouse, à proximité des futurs RER urbains et des lignes de bus Linéo, mais aussi d’achever le réseau express vélo. La Métropole aurait également pu rattraper son retard en matière de bornes de recharge électrique et de stations de bioGNV. Ainsi, tout comme paris qui l’envisage pour 2030, nous aurions pu afficher une ZFE réellement orientée vers la réduction des gaz à effet de serre. Par ailleurs, il faut aussi espérer que dans ce laps de temps, le prix des véhicules électriques ait baissé et un changement de la loi concernant les véhicules essence convertis au bioéthanol qui ne peuvent aujourd’hui changer de classification Crit’Air... Le Sénat a d’ailleurs estimé lors de l’examen du projet de loi climat en juin dernier que la mise en place de ces zones à faibles émissions était trop rapide.